samedi, juillet 07, 2012

Comment monter le cheval de fer?

1.      Mon père avait applané et betonné le sentier.
Le sentier n’était pas fait pour être cyclable mais pour faire partie du jardin. Il était dès lors étroit. Le jardin était long et jeune, j’étais jeune et court. Quelle est la taille moyenne des garçons de huit ans?
J’avais emprunté un vélo des voisins. J’ai oublié combien de fois par semaine je l’empruntai pour m’apprendre à rouler, pas par pas, en vélo. Personne ne tint le vélo droit. Je tombais tout seul. Et tous seuls, les bleus disparaissaient. Et surtout les égratinures, bien qu’elles aient eu besoin de quelque désinfectant.
J’appliquais la chute libre, spontanément et d’une joie sordide, me relevai et remontai le cheval de fer. Je devrais et je devais. Je maintins. Tout comme le voisin, fort heureusement, même si je lui rendis son vélo peu intacte, ce qui ne l’a jamais empêché de me l’emprunter à nouveau. Le bonheur d’être voisin existait simplement.
Je ne comptais pas le nombre qui ne comptait pas, le nombre de chutes et des fois où je m’en remis. Le nombre de semaines qu’il m’a fallu, jusqu’au jour où je restai assis en selle, arrivant sans tomber au bout du sentier et de retour. Le monde était à mes pieds.
Pour mon anniversaire suivant, je reçus tout simplement un vélo tout neuf. Simplement? Mon bonheur n’avait pas de limite. Par rapport au bonheur d’achetere ma première voiture, celui de mon premier vélo était mille fois plus grand, tant j’avais dû endurcir pour réussir. Apprendre à conduire une voiture, c’était facile, sauf avec celle de mon père. Quel tank! Pas moyen de la faire bouger. Mais en voilà une autre histoire, je divague. Comme je divague facilement! Peut-être est-ce dû au vélo, avec lequel on a vite tendance de quitter les sentiers battus pour passer là où les voitures ne peuvent passer et pour retrouver, ensuite, le bon chemin.
J’allais à l’école et à la piscine en bicyclette. La piscine, où j’ai appris tout seul à nager. Sans tomber mais en perdant la tête dans l’eau, souvent. Pour remonter à la surface. Ah, quelle joie que de divaguer.
Au galop, cheval de fer. 

2.      Le vélo de grand-père
Tout comme tant de petits-enfants, j’étais un admirateur silencieux de mon grand-père, le père de ma mère, qui voici aussi. Mes propres petits-enfants m’admirent avec beaucoup plus d’élan. L’un me prend au cou, le second, dès qu’il me voit, rayonne. Mais en voilà encore une autre histoire.
Hélas, tout grand-père un jour meurt. Grand-père voulait abattre un arbre lorsqu’il a été abattu. On l’a emmené à l’hôpital, il n’était pas mort sur le coup mais quelques jours plus tard.
Grand-père n’avait pas de voiture. Toute sa vie, il s’est déplacé en vélo, toute sa vie un seul vélo. Il avait l’air neuf, tellement bien l'avait-il entretenu. Sans vitesses et à frein torpédo. J’en ai hérité. Parce que j’avais appris tout seul le vélo? Je n’ai pas reçu d’explication mais j’étais impressionné. À l’époque, j’étais à l’université et j’ai emmené le vélo de grand-père pour me déplacer à la fac. Je ne peux jamais me le pardonner. Très vite, le vélo a été volé. Ce jour-là et les jours suivants, j’étais triste jusqu’à la moelle. En héritant de son chapeau plus tard, la plaie s’est adoucie. 

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